Ecrit par Jade-Leigh Tenwick, Chargée de communication et de développement chez SB OverSeas

Cette histoire est écrite dans le cadre de notre série d’articles sur le mariage des enfants, dont l’objectif est de dénoncer cette pratique de plus en plus commune dans la communauté de réfugiés au Liban.

Cet article raconte l’histoire de Ream, une fille de 18 ans qui se rend à l’un des centres de SB OverSeas. Nous avons trois centres au Liban dans lesquels nous menons à bien des programmes d’éducation et d’autonomisation. 

Ream a quitté la Syrie à douze ans, peu de temps après le début du conflit en Syrie. Un conflit qui lui a non seulement fait perdre sa maison, mais également son enfance et ses opportunités d’éducation.

Avec sa famille, Ream a suivi le chemin que beaucoup d’autres syriens qui échappaient au conflit ont pris: elle est allée au Liban. Elle était enthousiaste de commencer sa nouvelle vie au Liban et de poursuivre son éducation. Elle rêvait de devenir une avocate spécialisée dans les droits de l’homme, afin de donner la chance de s’exprimer à ceux qui sont dans l’incapacité de le faire.

Ce rêve n’a pas duré longtemps. Les procédures d’inscription sur les registres et les problèmes de sécurité de sa famille l’ont éloignée des opportunités qu’elle aurait pu avoir en terme d’éducation. 

Laissée chez elle, sans programme à suivre ni activités à faire. La monotonie et le découragement liés à la situation ont commencé à affecter cette enfant, aussi joyeuse et ambitieuse ait elle pu être.

Sa santé mentale s’est détériorée. Sa mère lui donnait de plus en plus de responsabilités dans la maison pour la faire sortir de sa dépression. Cela a été son quotidien pendant deux ans. 

A l’âge de quatorze ans, Ream a appris par ses proches son prochain mariage avec un ami de la famille. C’était pour elle une chance de commencer une nouvelle vie. Elle était très excitée à l’idée d’être le jour de son mariage, de porter sa belle robe blanche. Après cette journée idyllique, elle était pleine d’espoir quant à sa nouvelle vie avec son mari. Mari, qui avait presque le double de son âge.

L’histoire suit alors le même schéma que les autres histoires que nous avons entendues. Les problèmes ont commencé à survenir et les espoirs se sont évanouis. Ils n’ont pas pu faire inscrire leur mariage sur les registres puisque Ream était trop jeune. Cette absence de statut légal a eu des conséquences sur l’enfant qu’elle portait. Sans statut légal, l’enfant serait né apatride – une vie sans droits réels ou statut légal.

Leurs problèmes se sont multipliés à cause de la famille du mari. Vivre dans un si petit espace a fait accroître les tensions dans le foyer. Ream a tenté de calmer la situation en prenant sur ses épaules de plus de responsabilités. Cela n’incluait pas seulement les corvées domestiques, il y avait également les longues marches à faire pour aller chercher de l’eau. Croulant sous les responsabilités et les difficultés causées par sa grossesse, elle se retrouvait souvent en larmes.

Les problèmes s’accumulant, elle se sentait dépassée par les événements et a demandé le divorce pour qu’elle puisse retourner auprès de sa famille. Son mari a refusé. Il l’a menacé de ne pas faire inscrire leur mariage sur les registres, il renoncerait aussi à l’enfant et épouserait une autre femme. Les conséquences qui en découleraient étaient telles que cela était suffisant pour la faire rester auprès de lui.

Les choses ne se sont pas améliorées. Son mari a commencé à la battre, parfois quotidiennement, et elle a commencé à avoir peur des conséquences physiques du traumatisme que cela aurait sur son futur enfant. Elle a fui pour retourner auprès de sa famille pour aller chercher de l’aide. Ils ne lui ont pas montré le soutien escompté. Avec plus de 70% de réfugiés syriens vivant sous le seuil de pauvreté au Liban, la nourriture se faire rare et la faim est omniprésente. Ils lui ont dit d’oublier son ancienne vie et de retourner auprès de sa nouvelle famille.

Ream a dû choisir entre être vulnérable et seule dans les rues ou retourner auprès de son mari. C’est cette dernière solution qu’elle a choisie. Son bébé est né, et dès lors, elle n’était plus la seule chose dont elle devait se préoccuper puisqu’il y avait également son enfant. Avec une autre bouche à nourrir, elle avait souvent faim et il lui était difficile de trouver de quoi nourrir son enfant.

Sa santé s’est détériorée et son mari a décidé de la ramener voir sa famille de temps à autres. Après trois mois, sa famille a décidé qu’il était temps pour elle de se débrouiller. Laissée dans la rue, elle a supplié son mari de prendre soin d’elle et de son enfant. Il a loué une petite chambre pour elle. Cela avait un prix : il ne venait lui rendre visite que quand il avait envie d’une cible pour se décharger de sa colère et de sa frustration.

Sa famille a pris conscience l’état de la situation et l’a ramenée chez elle. Après trois ans dans l’oubli, Ream essaie désormais de reconstruire sa vie et de faire réapparaitre la fille qui autrefois rêvait de devenir avocate spécialisée dans les droits de l’homme. Elle vient dans le centre SB OverSeas quatre fois par semaine et assiste à nos classes. Dans notre centre, elle parle aussi de son histoire à d’autres filles pour attirer l’attention sur son expérience avec le mariage des enfants, qui est une situation que beaucoup d’autres filles ont vécue. 

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