Article écrit par Raisa Elhadi, volontaire avec SB OverSeas au Liban

C’est l’histoire d’une fille qui s’appelle Sherine, mais son nom pourrait être Amina, ou Amal, ou Sara, ou l’un des centaines même des milliers de noms de filles avec une histoire presque identique. Des filles dont l’avenir leur a été arraché des mains et qui, malgré tout, parviennent encore à ressentir de l’espoir, de la passion et de l’optimisme pour une vie différente et meilleure que la leur. Sherine n’est qu’une de ces filles.

La famille de Sherine, comme tant d’autres, est venue au Liban pour chercher la sécurité contre la violence. À treize ans, Sherine avait étudié jusqu’à la cinquième année scolaire en Syrie. En grandissant, elle aspirait à devenir un docteur, un rêve renforcé à la vue de toute la violence qu’elle voyait autour d’elle pendant la guerre. Sherine pensait que le séjour de sa famille au Liban serait bref et qu’elle retournerait bientôt en Syrie pour terminer ses études et réaliser son rêve.

Peu de temps après leur arrivée au Liban, la mère de Sherine lui a demandé ce qu’elle pensait de l’idée de se marier. Il y avait un jeune homme de leur ville d’origine en Syrie intéressé à prendre Sherine pour épouse.

“C’est à toi de décider”, a répondu Sherine en haussant les épaules, de manière ambivalente. Le mariage ne lui semblait pas être une chose très importante. Quelle pouvait être la différence avec les jeux de mariage auxquels jouait avec ses amis dans la cour en Syrie ou dans les rues de Shatila ?

La famille de Sherine a donc décidé de la marier au prétendantde leur ville et Sherine l’a accepté, ignorant la gravité de l’union auquel elle était sur le point de souscrire. Après avoir fui au Liban, Sherine, qui n’avait que treize ans, a épousé un homme de vingt-cinq ans qu’elle connaissait à peine.

Son ambivalence n’a pas duré longtemps. Depuis le début, le mariage de Sherine a assombri sa vie comme un nuage. Au lieu de passer son temps avec ses parents et ses frères et sœurs, de jouer dans la rue avec ses amis ou d’étudier, Sherine passait ses journées à nettoyer et à cuisiner pour son mari. Les seules occasions pour elle de quitter la maison étaient pour aller à l’épicerie ou faire les courses au marché, ou lors de rares visites à sa famille. Le vrai mariage n’avait rien d’un jeu. Au contraire, elle avait plein de responsabilités et d’obligations qui prenaient tout son temps et son énergie, écrasant sa jeunesse et épuisant les compétences académiques qu’elle avait développées à l’école.

La famille de Sherine avait essayé d’expliquer, avant son mariage, les attentes physiques que Sherine devrait satisfaire, en tant que femme. Mais Sherine était une enfant, naïve et inconsciente. Elle n’avait pas compris. Sa nuit de noces se révéla être un choc brutal.

Les choses se sont empirées avec le temps. Les compétences de Sherine en tant que femme au foyer n’étaient pas au niveau et cela irritait son mari. Quand il rentrait à la maison, devant une table vide ou dans une maison en désordre, il perdait son sang-froid et commençait à la frapper pour la punir. La jalousie prenait le dessus, il interdisait à Sherine de se maquiller et il la forçait à porter de longues abayas. Peu de temps après, le mari de Sherine s’est mis à intervenir dans chaque partie de sa vie. Elle passait ses journées à essayer de l’apaiser, effrayée par sa colère et sa violence, devenant l’ombre silencieuse de la jeune fille qu’elle avait été avant cette union.

Lorsque la colère de son mari était particulièrement forte, elle s’enfuyait vers la maison de sa famille pour y trouver confort et sécurité. Elle a demandé à sa famille de l’aider à divorcer, mais au lieu de ça sa mère a essayé de la calmer.

“Aucun mariage n’est jamais parfait au début”, elle avait dit. “Sois patiente et tu t’habitueras à lui et tu commenceras à l’accepter.”

Un jour, au cours d’un accès de colère particulièrement violent, le mari de Sherine a brisé le four dans la cuisine. Dans son emportement, il l’a battue et a juré de divorcer d’elle. Traversant sa peur et sa douleur, elle a ressenti  un sentiment de soulagement et espéra pouvoir peut-être s’échapper et retourner à sa vie d’avant. Mais en tant que réfugiés, leur mariage n’était pas enregistré et leur union et leur divorce n’étaient que liés que par des mots. Peu de temps après la querelle, son mari l’a reprise et le cauchemar a continué.

Sherine a essayé d’être patiente, mais son mariage l’a épuisée. La colère de son mari s’est tranferée dans la chambre à coucher, où il était rude et brutal avec elle. Les soirées sont bientôt devenues un cauchemar trop horrible pour Sherine. Quand elle a pu s’enfuir chez sa famille, elle les a supplié de divorcer.

Sa famille a finalement accepté et ils ont réussi à faire enregistrer le mariage par  la cour pour que le divorce puisse être reconnu officiellement. Le cauchemar de Sherine était terminé et elle est retourné vivre avec sa famille. Mais elle ne voulait pas que d’autres filles aient à subirce qu’elle avait vécu.

Après son expérience, Sherine a commencé à parler à ses amis et à ses pairs du mariage et de sa véritable signification. Comme jeune adolescente, Sherine avait accepté de se marier aveuglément, sans comprendre les responsabilités et les réalités de la vie conjugale. Elle a conseillé aux autres filles de ne jamais accepter le mariage précoce et a révélé les détails sur ce que le mariage peutvraiment être. Elle espérait qu’avec les connaissances et le recul nécessaires, les autres filles seraient plus conscientes qu’elle et capables de se protéger elles-mêmes et, au bout du compte, de préserver leur avenir.

en_USEnglish