Ecrit par Zuzana Prostrednikova, bénévole à SB OverSeas au Liban.

SB OverSeas travaille pour offrir une ‘éducation  à 1 400 enfants réfugiés au Liban. Cette histoire montre comment l’éducation et l’autonomisation sont des outils importants de prévention du mariage  des enfants, du point de vue de ceux qui sont sur place.

Avant le début de la guerre, le mariage précoce en Syrie était en déclin. Mais cette évolution n’est plus qu’un souvenir après sept années de conflit, le mariage étant devenu pour certaines filles le seul espoir de protection et de stabilité économique.

Les parents qui deviennent réfugiés dans un nouveau pays, comme étrangers vivant dans des conditions difficiles dans un contexte surpeuplé, sont souvent plus enclins à chercher des solutions immédiates et il est très difficile pour eux de voir les conséquences à long terme que le mariage peut avoir pour leurs jeunes filles. La vie de leurs enfants, qui consistait hier à aller à l’école, à jouer, à danser en riant avec leurs amis, se caractérise aujourd’hui par le fardeau des attentes, la responsabilité et la punition des autres. Les jeunes mariées sont laissées comme des spectatrices, privées soudainement et prématurément de leur propre enfance et du monde de leurs amis.

En d’autres temps, les grands-parents avaient une position particulièrement influente pour peser sur la décision quand un parent ou un enfant demandait le mariage. Dans de nombreux cas, ils se sont opposés au mariage de leur petite-fille pour préserver  son droit à apprendre et à jouer. Mais la guerre est venue briser les communautés et séparer les générations, en amenant beaucoup à prendre des décisions sans la voix de confiance des membres plus âgés de la famille, des anciens religieux et d’autres figures d’autorité.

Les enseignants sont souvent les premiers à être témoins du changement radical dans la vie des jeunes filles quand elles se marient. Ils sont attristés par chaque bureau vide, où leurs anciennes élèves avaient pu explorer leurs ambitions et travailler à créer leur propre avenir.

Ahmed, lui-même réfugié syrien, enseigne les mathématiques, l’arabe et l’anglais dans un centre d’éducation accueillant des étudiants de la campagne syrienne, où la pratique du mariage des enfants n’avait pas vraiment diminué même avant la guerre. Quand il raconte son expérience au cours de l’année précédente, il exprime sa déception face au nombre d’élèves qu’il a vu contraintes à sacrifier leurs jours d’école pour le mariage et au manque de compréhension du prix à payer. Pour ces jeunes filles, se marier signifie l’isolement dans de petites pièces sombres dans un abri inachevé: leur nouvelle maison.

“Elles ne sont pas prêtes pour ça. Elles sont des victimes “, a déclaré Ahmed. En dernier lieu, ce sont les parents qui prennent la décision finale sur la demande en mariage, une décision dont les filles ne sont pas responsables, a-t-il expliqué.

Aisha, qui est psychologue dans le même centre, a ajouté que les filles qui se marient à un jeune âge, souvent dès treize ans, sont particulièrement vulnérables aux abus émotionnels et physiques. Elles ne sont pas préparées aux traumatismes qui peuvent accompagner le mariage, a-t-elle dit, y compris les fausses couches, la perte de l’enfance et le divorce. Une jeune fille divorcée peut subir de mauvais traitements pour le reste de sa vie à cause de la stigmatisation qui y est associée dans sa communauté. Cette stigmatisation peut l’empêcher de retrouver une vie normale: une enfance et une éducation.

Ahmed, en tant que père, a pu parler avec les pères de certains de ses élèves, qui sont normalement ceux qui décident dans la famille. D’après son expérience, certains pères sont ouverts à la discussion et à la reconsidération. De son côté, Aisha dirige des séances de sensibilisation et d’autonomisation avec les jeunes filles du centre et leur enseigne  les relations saines, l’estime de soi et à avoir des objectifs pour l’avenir. Elle encourage également les mères à aider leurs filles à se sentir plus à l’aise pour parler de leurs peurs et de leurs rêves. Une mère dans la communauté emmène désormais sa fille à des promenades quotidiennes. Pendant le temps qu’elles passent ensemble, elles parlent de tout et de rien, brisant ainsi les tabous néfastes.

Seuls l’éducation et l’engagement à long terme au sein des communautés qui ont perdu les systèmes essentiels de soutien pourront changer les tendances actuelles du mariage d’enfants. La stratégie d’Ahmed et Aisha pour se rapprocher de leur communauté et construire des relations de confiance est une stratégie à long terme qui est à la fois prudente et efficace. Leur travail a pu entraîner des changements durables pour les jeunes filles et leurs familles. Ils espèrent ainsi non seulement préserver l’avenir de cette génération, mais aussi mettre le pouvoir de décision entre leurs mains – des mains qui un jour reconstruiront leur pays.

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