Beyrouth, Liban – Les enfants à SB overseas sont parmis les plus vulnérables au monde. Rencontrez Youssef, garçon de 9 ans en “Grade 0” au centre Bukra Ahla à Beyrouth.

Youssef est né à Manjib, Syrie – ville qui avant la guerre était renommée pour ses institutions éducatives, ses sites archéologiques, son héritage culturel riche ainsi que pour son réseau moderne et innovant de ponts, de barrages, et de routes. Sa famille vient de Tal Arish, petit village aux alentours de Manjib, entre Raqqa et Alep, à 50 km au sud de la frontière Turque.

Historiquement, Manjib et sa campagne pourvoyaient les habitants d’Alep et de Raqqa en fruits, légumes, céréales et en produits animaux; viande, lait et fromage. C’était le grenier agricole qui nourrissait la majorité de la Syrie du Nord, et milliers de gestionnaires, de marchands, et d’agriculteurs – comme les parents de Youssef – étaient employés par sa production et son commerce.

Quand Youssef avait trois ans, sa famille fuit la Syrie. Contraints d’abandonner leur vie à Tal Arish, ils laissèrent leur maison et tous leurs biens derrière eux. Avant la guerre, les parents de Youssef gagnaient assez d’argent pour vivre confortablement et envoyer ses frères et soeurs aînés à l’école à Manbij. Quand ils partirent, ils n’avaient plus rien – plus de salaire, de nourriture, et aucun moyen de rejoindre la ville.

Depuis le début de la guerre civile, Manbij s’est vue régie par de multiples occupants. Mi 2012, quand Youssef avait 3 ans, des rebelles de l’Armée Syrienne Libre vainquirent les forces gouvernementales syriennes lors d’une bataille pour le contrôle de la ville, qui à son tour invoqua une campagne de bombardements de représailles par le régime d’Assad et par la Russie pendant les deux ans qui suivirent. En 2014, quand Daesh prit le contrôle, la situation s’empira à Tal Arish. Les bombardements s’intensifièrent, la maison de Youssef fut détruite, et l’option d’un retour donc éliminée. Les Forces Démocratiques Syriennes, ou S.D.F, ont le contrôle sur la région depuis 2016.

Pendant des générations, la famille de Youssef entretetint les champs de la Syrie du Nord. Aujourd’hui, ils vivent à Chatila, camp de réfugiés tentaculaire au sud de Beyrouth, tristement célèbre pour ses bâtiments décrépis, branlants de ciment et de bouts de métal, pour ses piles de déchets, ses fils électriques pendants, ainsi que ses flaques d’eau rance et stagnante. Shatila constitue le foyer de milliers de Palestiniens, de Syriens et, depuis 2012, de la famille de Youssef.

Parce qu’il fut incapable d’inhaler de l’oxygène lors de sa naissance, Youssef reçu le diagnostic de cas sévère de paralysie cérébrale. Il n’a pas de perception de la profondeur ni de sens de l’équilibre. Ses mouvements sont involontaires et incontrôlables, et il ne peut pas marcher seul. Sa pathologie est presque complètement incapacitante, et faire face au lendemain de la guerre fut particulièrement difficile pour lui et sa famille.

Sa mère le porta pendant leur trajet de Manbij à Beyrouth. Maintenant, elle le porte à l’école, et le ramène tous les jours, montant et descendant 5 paliers d’escaliers étroits et accidentés, et parcourant les 2 km jusqu’au centre. Afin de soulager ce fardeau pesant sur lui et sa mère, et après avoir reçu des menaces de mort par leurs voisins autour d’un différend relatif aux poubelles, le père de Youssef essaya de trouver un logement dans lequel ils puissent déménager au premier étage. Malheureusement, les appartements qui n’étaient pas irréparablement endommagés ou recouverts de détritus étaient trop cher.

Les parents de Youssef dépensent plus de la moitié des 330$ qu’ils reçoivent chaque mois de la HCR – supposés couvrir le prix du loyer et de la nourriture – sur ses médicaments. Les réfugiés syriens sont dépourvus du droit au travail au liban, et donc il leur est pratiquement impossible de couvrir leurs dépenses de base. Malgré le fait que son père recherche tous les jours un emploi en tant que peintre ou bâtisseur dans les profondeurs de Chatila, il arrive souvent qu’il se passent des semaines sans rentrée d’argent. Les frères et soeurs aînés de Youssef étaient inscrits à l’école publique libanaise pendant un an avant que ses parents n’aient plus les moyens de payer le coût de leur transport. Bukra Ahla est la première école dans laquelle Youssef est allé, et l’une des seules qui l’acceptent, gratuitement, au Liban.

A cause de raisons évidentes, il est extrêmement difficile pour Youssef de se faire des amis. Quand il n’est pas à l’école, il passe tout son temps chez lui: dans un appartement exigu où il partage une petite chambre avec ses parents, quatre soeurs et deux frères. Sa mère dit que “parfois des enfants du quartier venaient jouer avec ses frères et soeurs, mais jamais avec Youssef. Mais maintenant qu’il va à l’école, il a trois amis. Les premiers amis qu’il ait jamais eu.”

Saddam, Saleh et Ahmad sont ses amis les plus proches, et ses plus grands supporteurs. Ils font tout leur possible pour s’assurer qu’il n’est jamais mis à l’écart d’une activité en l’aidant à marcher, écrire, lire et colorier. Ces jours-ci, Youssef, excité de voir ses amis, et impatient d’étudier les maths et l’Arabe, ses matières favorites, réveille sa mère chaque matin avant d’aller à l’école.

Après 6 ans de difficultés et de souffrances à Chatila, de vérifications de antécédents intrusives, de contrôles de santé, et de nombreux entretiens avec la HCR, la famille de Youssef a récemment reçu la confirmation de leur réinstallation au Canada. En dépit de cette bonne nouvelle, leur combat est loin d’être terminé. Ils devront rester à Chatila pendant au moins une autre année, potentiellement jusqu’a trois, durant lesquelles ils continueront de devoir se battre pour joindre les deux bouts avant de pouvoir être relocalisés.

Un futur prometteur d’annonce pour Youssef dans un pays offrant une éducation publique de qualité, et un système de santé abordable. Assis sur les genoux de sa mère, et pensant au futur qui se présente à lui, il dit “Je veux être enseignant, mais ça serait trop dur d’être debout toute la journée”, et puis, un sourire aux lèvres, il poursuit “donc je pense que je serai responsable, c’est bien plus facile d’être assis”.

Les noms ont été changés pour préserver l’anonymat des personnes. Écrite par Sandon Mims.

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