L’éducation sans l’autonomisation, c’est le même piège que l’autonomisation sans l’éducation : ils ne mènent à rien l’un sans l’autre. La manière selon laquelle SB OverSeas a mené à bien son programme pour les femmes est la suivante : l’autonomisation à travers l’éducation, deux idées toujours liées dans nos salles de classe. Fatima, une femme qui n’a jamais reçu d’éducation formelle en dehors des éléments basiques enseignés à l’école élémentaire en Syrie, a été l’une des premières femmes à être informée par notre équipe de la nouvelle classe que nous organisions.

Alors qu’au début, elle était réticente à l’idée d’y venir – elle n’avait plus été dans une salle de classe depuis plus de dix ans, depuis ce moment où elle est devenue mère à ses vingt ans à peine. De plus, et c’était principalement cela le problème, elle ne savait pas quoi faire de son enfant le plus jeune. Abdullah, 11 mois, était trop jeune pour aller à l’école avec sa fille de 7 ans. Après avoir parlé avec quelques autres femmes du foyer pour réfugiés Ouzai qui avaient été contactées par l’équipe, elle a appris qu’elle était autorisée à amener son enfant dans la salle de classe et qu’il y aurait quelqu’un pour s’occuper de lui.

Le premier jour est arrivé et elle s’était décidée à suivre ce cours. Elle a marché dans le bâtiment avec une autre femme qui vivait dans le même couloir qu’elle, et ensemble, elles se sont rendues dans l’école au rez-de-chaussée. L’école était bruyante, comme d’habitude, ce qui l’a rendue incertaine une fois de plus. A sa surprise, on l’a emmenée dans une salle au fond de l’école, loin du bruit qui régnait dans l’école.

Il y avait environ dix autres femmes autour de cette large table, avec des machines à coudre sur des bureaux qui délimitaient le périmètre de la salle. Même si la plupart des femmes lui étaient familières, cet environnement lui était inconnu. Elle s’est assise, nerveuse mais excitée, et la classe a commencé. Le cours était orienté vers des leçons basiques d’anglais, et on y apprenait aux femmes la couture et le crochet.

Elle en a rapidement beaucoup appris des autres femmes de la classe, qui avaient déjà une bonne expérience du crochet et de la couture qu’elles avaient appris auparavant. Beaucoup d’entre elles ne les avaient pas pratiqués depuis quelques années, mais après de rapides explications des notions clés, elles sont instantanément devenues professionnelles. Fatima a eu des difficultés à tenir le crochet correctement ce jour là et a passé la plupart de sa journée frustrée et embarrassée, mais elle a senti chez elle une sensation qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps : la liberté.

La couture et le crochet sont traditionnellement un hobby social parmi les femmes, et ce à travers les âges et les cultures dans le monde. Cela permet de créer un endroit de sécurité pour les femmes, pour qu’elles s’y expriment en dehors du jugement des hommes. Cela permet également à des femmes de passés et de cultures différentes de s’exprimer librement quand elles n’auraient pas d’autre moyen de le faire. Alors, même si Fatima savait qu’en ce premier jour, son anglais ou ses compétences artisanales n’augmenteraient pas significativement, elle a ressenti ce plaisir qu’est faire partie d’un groupe de femmes à qui elle pouvait parler, avec qui elle pouvait rire, ragoter, et partager de telles expériences.

Environ six mois après son premier jour dans cette classe pour femmes, l’équipe a parlé à Fatima en lui proposant l’opportunité de commencer à enseigner elle-même les leçons de couture et de crochet. Elle n’avait pas les mots, elle était sans voix face à ce sentiment de stupéfaction et de fierté qu’elle ressentait. Elle fit oui de la tête, extatiquement. Les mois précédents, elle n’avait pas seulement reçu de l’éducation de la part de son professeur, elle avait aussi reçu beaucoup d’aide de la part des femmes qui avaient déjà plus d’expérience qu’elle. Elle décida d’incorporer cette pratique dans sa classe, en mettant l’accent sur les femmes les plus expérimentées pour tirer vers le haut les débutantes.

Aujourd’hui, dans le bureau principal de l’école de SB OverSeas au centre de réfugiés Ouzai, des poupées artisanales sont exposées pour l’équipe, les étudiants, les bénévoles, et les visiteurs. Une grande partie de ces poupées a été crée par Fatima, et les autres par ses étudiantes. En plus d’enseigner à l’école et de dédier une grande partie de son temps à élever ses enfants, Fatima vend désormais des robes faites à la main, des chapeaux, des écharpes, des poupées, entre autres. Une grande partie de l’argent qu’elle gagne lui sert à supporter économiquement sa famille, en plus du salaire de son mari, et ce qu’il en reste lui sert à acheter des matières premières au souk pour réaliser de nouvelles créations artisanales.

Written by Nile Watson Batista, volunteer at SB OverSeas in Lebanon.

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