par Alex Hart, bénévole à Beirut

Le centre de Bukra Ahla où nous vivons et travaillons se situe entre le camp de Chatila et le point de contrôle militaire le plus imposant que j’ai vu au Liban.

Si vous vous dirigez vers Chatila, vous verrez une zone qui ressemble beaucoup à des projets aux États-Unis, bien que, comme d’autres endroits au Liban, elle soit pleine à craquer et remplie de ‘souks’, les typiques marchés arabes.

Si vous vous dirigez vers le poste de contrôle militaire, vous découvrirez des hommes armés de mitraillettes, de gilets pare-balles et de grenades, ainsi que des structures en béton rappelant les images de Bagdad ou Kaboul que j’ai vues défiler sur les écrans pendant mon enfance. À l’extérieur du poste de contrôle se trouve un parc public magnifiquement entretenu où je cours tous les jours, puis vous arrivez à Badaro, un quartier plein de bars, de restaurants, de jeunes, d’étudiants et d’étrangers. Vous pourriez faire tout le trajet en moins de 20 minutes à pied.

En un mot, voici Chatila. Avec un passé troublé, il semble que le reste de Beyrouth essaie de l’isoler, la traitant comme un paria ou comme une greffe, le souvenir d’un conflit toujours scellé dans ces zones déchirées et dans leurs habitants, malgré plusieurs générations se soient succédées. En effet, l’emplacement est connu : je me souviens d’avoir raconté à un homme d’un village relativement éloigné de Beyrouth où nous vivions. Il m’a immédiatement répondu, à moi, un parfait étranger, : «Ah, alors vous vivez au pays de la pauvreté».

La réalité de Chatila est beaucoup moins dramatique. Il y a sans aucun doute un niveau de pauvreté élevé et tous les défis qui y sont associés. Les gens sont confinés dans un espace restreint, souvent avec des faibles perspectives d’emploi et peu de possibilités de changer leur situation dans un avenir immédiat.

Il y a un manque d’éducation généralisé, ce qui  chez les jeunes enfants est le plus troublant. Pourtant, malgré sa réputation, je ne me suis pas encore senti en danger ici. La pauvreté existe partout et, malgré tout, la situation à Chatila est loin d’être désespérée. Le centre de SB contribue à combler les lacunes en matière d’éducation et essaye de donner à beaucoup de ces enfants la chance d’avoir un avenir meilleur, un avenir offrant de réelles possibilités. C’est sûr, pas tous obtiendront un diplôme d’études secondaires, mais certains d’entre eux le feront ; quelques-uns rentreront peut-être à l’université et, avec le temps, cette opportunité se répandra.

Quand j’y pense, je pense aux sacrifices que les familles, et même toute la communauté, doivent faire pour donner à leurs enfants cette opportunité. Un grand nombre d’élèves plus âgés travaillent déjà ou le feront au cours des prochaines années de leur vie. Un matin, je suis allé manger un manaoushe (une pizza libanaise) juste à côté de l’école et j’ai vu un vieillard s’avancer et installer une chaise où il criait après les enfants et s’assurait qu’ils aillent à l’école à temps. Il était clairement aveugle d’un œil et sa jambe était soit très gravement endommagée soit simplement une prothèse.

Il est peu probable qu’il verra sa communauté changer radicalement, mais il reste assis à l’extérieur et veille à ce que les enfants aillent à l’école.

Cette rencontre me rappela l’histoire d’un journaliste, que j’avais lue il y a longtemps.

Un homme avait planté un arbre sur une colline en Afghanistan afin d’en faire un endroit agréable pour s’asseoir. L’arbre aurait mis probablement 50 ans à pousser, l’homme ne pouvant probablement pas en profiter. Quand le journaliste lui demanda pourquoi il l’avait plantée, l’homme répondit : «Ce n’est pas pour moi, c’est pour les autres».

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