Une bénévole de longue date de SB Espoir, Zoheb Mashiur, partage avec nous l'expérience de construire des relations à Bruxelles grâce au programme de bénévolat :
Bruxelles est une ville très particulière où tout le monde va et vient en permanence. Vous devez donc vous habituer à dire au revoir aux gens, pourtant, vous n'y arrivez jamais.
Le travail de bénévolat que nous réalisons chez SB Espoir est simple : nous donnons à de jeunes personnes, qui font face à longues procédures bureaucratiques et qui sont loin de chez elles, (des enfants qui ont vécu des choses inimaginables) des moments pour créer des liens forts avec d'autres personnes. L'idée est de leur montrer que nous nous soucions d'eux. Néanmoins, la procédure de demande d'asile fait que nous ne les voyons pas longtemps. Un jour ils sont là, le lendemain ils sont partis – nous pensons d'ailleurs que c'est pour le meilleur – pour qu'ils soient aussi Bruxellois que n'importe quel étranger. Alors voilà le défi : comment vous faites, en tant que bénévole, pour réussir à donner de l'attention à un jeune tout en sachant que vous ne le verrez peut-être plus durant un mois ? Difficile de répondre à ça… La plupart d'entre nous est accueillante et leur donne beaucoup d'attention, tout en faisant particulièrement attention à garder ses distances avec les jeunes. Mais si l'on est trop distant, on n'est pas assez efficace dans nos activités de bénévolat. Si on est trop attaché, on fait du mal à l'organisation, à nous-mêmes, mais surtout aux jeunes. J'ai surtout très peur de cette dernière situation et j'ai tendance à trop garder mes distances avec les jeunes.
Je n'ai rien d'autre qu'un profond respect pour ceux qui se conduisent exactement comme tous les bénévoles de SB devaient le faire. Ils le font sans compter. Ils se contentent d'être eux-mêmes.
Et c'est très dur quand Bruxelles nous enlève ces jeunes.
Je dédis ce texte à Rupa et Abdullo. Nous leur avons dit au revoir le 25 du mois dernier lors d'un dîner. Je ne détaillerai pas ce qu'il s'est passé, si ce n'est que les adieux ont été aussi difficiles que ce à quoi on s'attendait. Il y avait nos amis et collègues, de la bonne nourriture, des gâteaux et de grandes conversations. Mais surtout, il y avait la conscience que c'était des personnes incroyables sur le point de faire des choses fantastiques.
Je sais que mes propositions peuvent sembler hyperboliques. Exagérés. Il n'en est rien.
Rupa est quelqu'un que je connais depuis quelques temps, c'est un élève de mon université – désormais en train de finir sa thèse chez elle. C'est une petite boule d'énergie et de joie – et pleine de créativité. J'ai pu le découvrir grâce à SB. Depuis mon premier jour de bénévolat avec elle, elle a su apporter le meilleur aux jeunes, et ensemble nous avons fait de très belles choses. Ça va être dur de faire sans elle.
Abdullo, lui, sera toujours quelqu'un que je regretterai de ne pas avoir mieux connu. Je lui ai toujours trouvé quelque chose de particulier, dans ses habitudes formelles et son beau costard. Mais personne ne faisait les activités comme lui cependant. Chaque fois qu'il était dans les parages, il y avait toujours beaucoup de jeunes avec nous. Il avait cette splendide personnalité qui vous donne envie de vous engager et de vous faire plaisir. C'est important d'avoir quelqu'un avec cette présence dans l'équipe, parce qu'une grande partie de notre travail implique de briser la glace et de convaincre les jeunes de participer et de tenter leur chance.
Rupa et Abdullo ont donné le meilleur pour les jeunes et cela a représenté l'esprit de SB. C'est étrange de se dire qu'ils ne sont plus là désormais, aussi bizarre que de se dire qu'on ira dans les centres et qu'on ne verra plus ces visages familiers. C'est ce que Bruxelles fait, pour de multiples raisons.
Les gens partent, mais d'autres arrivent. La première fois que j'ai fait du bénévolat depuis ce fameux dîner, c'était samedi dernier. Il y avait de nouvelles têtes, les jeunes hésitaient pour les activités et par rapport à nous. Rupa et Abdullo nous manquaient. Il y avait de nouveaux bénévoles également.
Cela a fonctionné, c'était une belle journée.
La personne qui a écrit ce texte est un bénévole du programme SB Espoir et un étudiant en Master sur les Migrations Internationales de Brussels School of International Studies.